Balade dans le regard de Nicolas Derné – « Parades »

Fête populaire déportée et inspirée des fêtes burlesques et des cavalcades européennes elle prend une nouvelle forme durant la période de l’esclavage. Reprenant cette base culturelle, c’est une rencontre entre les cultures d’Europe et de l’Afrique. Les esclaves se réunissent alors entre eux lors de célébrations rythmées par des chants et danses. Réunions interdites par le Conseil souverain en 1678 par peur de révoltes probables, ces épisodes animés relèvent souvent d’état de transe. L’effervescence de l’imaginaire du peuple tourne en dérision des scènes du quotidien.

 

Né à Paris et d’origines martiniquaises, Nicolas Derné, voulant créé des choses avec sa calculette, commence une carrière dans le milieu de l’informatique avant de se consacrer au monde photographique. Confronté à une nouvelle culture lors de sa dernière année d’études au Danemark, il décide de capturer des scènes de vie, de partager à sa famille ce qu’il vit, ses ressentis, grâce à la photographie. Pas d’attache particulière au matériel, c’est juste la lumière qui lui est essentielle… Comme l’écrivain et sa machine à écrire, c’est le texte qui importe et pas le moyen d’écriture.
Depuis 2005, le goût du voyage s’installe et l’envie de partager s’encre dans son regard de photographe en herbe. « Terres d’Asiles », première expsition fortuite avec un ami en 2009 dans une bâtisse de Fort-de-France et c’est le début de ses pérégrinations.

En cette période carnavalesque haute en couleur, retour en images d’une exploration photographique qui a débutée en 2011… qui a sillonné la Caraïbe et la parcourt encore. Un dialogue entre passé et présent, entre coutumes ancestrales et diasporas. Au cœur du « vidé », dans le poumon des « Parades », sous le regard pénétrant de Nicolas Derné, auteur-photographe.

C’est au travers d’une poésie oculaire d’un paradis subversif que Nicolas Derné nous livre une histoire. Une histoire submergée de vibrations qui émanent dans les villes, dans les rues de nos îles. Une cacophonie symphonique et graphique qui se fait miroir d’une société jurant des revendications rythmées. Carnaval !

Influences transculturelles, naissance d’une identité vêtue ou complètement dévêtue. Défilé d’ivresse que nous refermions, qui étouffait dans nos antres, entre possession sincère et frénésie poétique. Mascarade d’ivresse qui se déverse dans l’incandescence de l’imaginaire. Tandis que nous crachons verbes mêlés de vulgaires et de paillettes, le bruit sourd du tambour envahit les corps perdus à la recherche du lâcher-prise.
« Doum Doum » …
Libres !
Il y a des chants plus gais et d’autres qui scandent des Parnasses plus prosaïques. Il faut le vivre pour le comprendre…

 

« Le carnaval n’est pas seulement un débordement d’instincts libérés, hors des limites de la plantation. Peu à peu il a renforcé la tendance à faire de toute manifestation culturelle à la fois un acte de conscience et une fête : la mise en commun des raisons d’exprimer le monde et la conception qu’on en a. »

Edouard Glissant

Un bal masqué de tout apriori se faisant l’écho des frontières des classes abolies. « Sé ensemb’ ensemb’ ». L’exclusion se transforme en inclusion là où le genre, la couleur, et l’origine se colorent en noir et blanc. Temps suspendu depuis la foule et les trottoirs, Nicolas capture le geste délibéré, libéré du comportement des sociétés.

Les brouhahas de la cohue se transforment en ombre et lumière. C’est une retranscription picturale de l’essence du genre humain, de ses failles, de ses valeurs et de la puissance de ses vérités.

 

Crédit photos (toutes les photos) :

Courtesy de l’artiste @Nicolas Derné, série « Parades », 2019.

 

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